On se pose rarement la question de devenir aidant familial. Cela se fait, généralement, de manière simple, dans la continuité de la relation affective déjà existante. Et dans la majorité des situations, les aidants familiaux vous diront qu’ils sont très satisfaits de pouvoir aider leurs proches ; de leur apporter du soutien face à la dépendance, que cela renforce les liens qui les unissent.
Ce serait tellement simple, si c’était toujours le cas. Oui mais voilà, l’être humain est un être d’émotions. Ce qui complique parfois nos relations. Être dépendant ou devenir dépendant avec l’âge, voir le regard de l’autre changer, n’est pas si facile à accepter. Ce sont des situations dans lesquelles nous pouvons rencontrer de l’agressivité, de la colère, de la tristesse, de la peur, de l’incompréhension, ce qui perturbe notre vision des choses et nos relations.. Et ce sont les aidants familiaux qui sont les premiers confrontés à ces émotions.
Qu’est-ce qu’un jeu relationnel ? Quels jeux relationnels peuvent s’instaurer dans une relation aidé/aidant ? Qu’est-ce que le triangle dramatique ? Comment en sortir pour retrouver des relations saines et profitables pour tous ?
Les jeux relationnels :
Selon Eric Berne, psychiatre américain, le jeu relationnel est “le déroulement d’une série de transactions cachées, complémentaires, progressant vers un résultat bien défini, prévisible”. Cela signifie qu’il y a un objectif sous-entendu dans la relation à l’autre mais qu’il n’est pas exprimé clairement, bien souvent, au détriment de l’autre. Ces jeux, réalisés de manière involontaire, aboutissent à des relations confuses, ambiguës, pouvant amener à des situations de conflits, desquelles, on ne sait plus s’extirper.
Nos réactions sont des réflexes que nous avons adopté afin de nous maintenir dans un contexte connu. Il n’y a pas de volonté consciente de nuire à l’autre.
Si on les rapporte à la relation aidé-aidant, nous pouvons rencontrer différents jeux relationnels aussi bien au détriment de l’aidé qu’à celui de l’aidant, selon les situations :
- Soit l’aidant attend implicitement quelque chose de son proche : alléger d’une manière ou d’une autre sa charge, physique et mentale par exemple.
- Soit l’aidé attend implicitement quelque chose de son aidant : compenser sa dépendance ou un sentiment profond de solitude par exemple.
Il existe bon nombre de situations où l’on peut rencontrer ces jeux relationnels. A partir de sous-entendus, d’allusions, de mise en lumière des défauts, … Les échanges s’alourdissent de reproches. La récurrence amène également aux conflits.
Le triangle dramatique :
Le triangle dramatique est un jeu relationnel mis en évidence par Stephen Karpman, psychiatre et élève d’Eric Berne. Il permet de mettre en lumière les manipulations d’une personne sur une autre à l’aide de trois rôles : la victime, le persécuteur et le sauveur.
Nous ne sommes pas cantonnés à un seul de ces rôles. Nous passons de l’un à l’autre selon les situations et les personnes que nous rencontrons. Chacun de ses rôles a besoin des deux autres pour exister. Ils se renforcent les uns les autres, tant que nous n’en sortons pas.
- La victime attire le sauveur. Elle attire donc l’attention sur elle, pour qu’on l’aide. Elle cherchera également un persécuteur pour entretenir son rôle de victime.
- Le sauveur attend un persécuteur pour justifier son rôle et une victime à sauver. Le sauveur a un sentiment de culpabilité s’il ne peut pas sauver sa victime. Sentiment que l’on retrouve dans la relation aidé-aidant. Il sauve la victime sans que celle-ci ne lui ait demandé.
- Le persécuteur agit sur la victime. Il la fait souffrir. Ce n’est pas forcément une personne, le persécuteur peut-être la maladie ou la dépendance.
C’est un jeu relationnel dans lequel nous pouvons entrer dans toute situation d’aide, y compris lorsqu’il s’agit de son proche dépendant.
Alors comment éviter de créer ces jeux relationnels ?
Les jeux relationnels nous permettent de répondre à des besoins non exprimés qui eux-mêmes peuvent ne pas être conscients. La conscience de soi et de ses besoins permet de mieux comprendre ces situations et de les éviter.
- Si vous vous sentez victime, sachez que vous seul pouvez vous sauver en agissant. Acceptez votre vulnérabilité et mettez vous en action pour résoudre vos problèmes. Vous pouvez toujours demander de l’aide, mais en étant conscient de votre responsabilité à agir.
- Si vous vous sentez persécuteur, exprimez vos besoins, sans chercher à “punir” l’autre.
- Si vous vous sentez sauveur, faites preuve de bienveillance envers autrui. Proposez votre aide sans chercher à résoudre les problèmes des autres à leur place.
Et comment sortir de ces jeux relationnels ?
La première réponse serait : de ne pas y entrer ! N’oubliez pas, le triangle dramatique a besoin des trois rôles pour exister. Si vous êtes “invités” à jouer, la meilleure option est de ne pas assumer le rôle que l’on vous offre.
Pour cela :
- Restez centré sur les faits
- Évitez les tournures généralistes ou floues (toujours, jamais, souvent, …)
- Évitez les interprétations qui nuisent à la relation, ainsi que les reproches. Ils sont une porte d’entrée de choix pour les jeux relationnels
- Exprimez clairement vos émotions et besoins, soyez franc
- Formulez une demande de manière affirmative. La communication est facilité si l’on exprime ce que l’on désire plutôt que ce que l’on ne veut pas
Nous retrouvons ici la technique de la communication non violente (CNV).
Sortir d’un jeu relationnel demande d’être à l’écoute de soi. Parler à une personne bienveillante aide à se recentrer sur soi et ses besoins. Le coaching est un accompagnement qui vous aide à ces prises de conscience, facilite les relations sociales et la communication.
Savoir s’écouter pour savoir écouter l’autre.
Céline Dauchy