Les relations aidant-aidé sont très fortes. Nous avons vu dans mon deuxième article que dans une grande majorité des situations, c’est le lien affectif qui les lie, qui pousse l’aidant à s’occuper de son proche. Pour 75% des aidants, c’est la première raison qui motive leur mission d’aide. Mais est-ce toujours aussi simple au quotidien ? Quelles sont les difficultés auxquelles chacun est confronté ?
Quelque soit la raison de la perte d’autonomie, l’objectif est de poursuivre au maximum sa vie dans des conditions qui correspondent au souhait des personnes dépendantes, généralement en restant à la maison, lieu de toute une vie. C’est donc les relations humaines, plus que familiale, qui construisent la relation d’aide. Il s’agit, avant tout, de respecter l’identité et l’estime de soi du proche aidé.
Lorsque l’aidant est le conjoint, l’aide apportée, aussi naturelle qu’elle soit, est transparente pour les personnes extérieurs, y compris pour les enfants du couple qui ne vivent plus dans le foyer. Parfois, l’aidant n’a pas lui-même conscience de son statut d’aidant. La relation d’aide entre conjoint est particulière dans le sens où elle repousse les limites de l’intimité, au delà d’une relation habituelle de couple. Les gestes se font affectueux et les mots ne sont parfois plus nécessaires. Le but d’une toilette par exemple, n’est plus simplement de rendre propre.
Cependant, ce type d’aide met en avant l’incapacité de l’aidé à faire seul des gestes simples et met en avant sa vulnérabilité, pouvant altérer son estime de soi. Dans ce cas, il peut être difficile pour l’aidé d’accepter l’aide que son conjoint lui apporte et il peut vivre cette situation comme une forme de violence physique et être source de conflits. La mésestime de soi peut amener à une forme de colère (courbe du deuil de la perte d’autonomie). Colère qui se retourne alors contre l’aidant. Dans cette situation, il peut être préférable de faire appel à une aide extérieure, professionnelle qui garantit le soin technique d’un côté et la relation familiale de l’autre. Dans cette dernière, la difficulté réside dans l’introduction d’une personne étrangère au cercle familial, ce qui reste complexe aussi bien du point de vue de l’aidé, que de l’aidant.
Lorsque l’aidant est un enfant, l’aide est bien souvent plus difficile à accepter. Lorsque l’on devient parent, c’est à nous de prendre soin de notre enfant ; de réaliser toutes les tâches nécessaires à son bien-être jusqu’au jour où il devient autonome et prend son envol. Or, lorsque les rôles s’inversent, il faut le consentement de l’aidé, qu’il accepte de se laisser toucher, manipuler par son enfant. Cette nouvelle relation, doit garantir le respect de l’identité du parent. Il y a un juste milieu entre proximité et assistance à trouver par l’enfant aidant, ce qui est loin d’être aisé. Dans le même temps, l’aidant à lui même construit son foyer avec ses propres charges (maison, conjoint, enfants, travail, …), il devient difficile pour lui de trouver du temps pour s’occuper de soi. L’aidant peut se sentir submergé par la charge supplémentaire (Voir le fardeau dans mon deuxième article) que cela représente.
L’aidant peut également être un autre membre de la famille (frère, soeur, …). Comme pour la relation à l’enfant, les relations familiales évoluent. La relation à l’autre devient différente et l’on rentre dans une intimité inhabituelle entre frère et soeur par exemple. Il faut faire preuve d’une grande adaptabilité et avoir une grande confiance, car chacun doit se créer de nouveaux repères. C’est une grande preuve d’amour que de s’occuper, parfois à temps plein, de son proche.
Certaines personnes en situation de dépendance sont bien entourées et plusieurs membres de la famille se relaient pour s’occuper d’elles. Ils se répartissent les tâches : l’un fait les courses, l’autre le ménage ou gère les papiers administratifs, … Ce qui permet à chacun de se sentir utile et renforce les liens. Il s’agit d’une organisation à trouver et de mettre en place la dynamique qui convient, garantissant le bien être de la personne aidée. Tout cela est possible lorsque les relations familiales sont saines, que la communication est fluide entre les membres et que tous résident à proximité. Car la distance physique est un frein à l’aidance. En effet, lorsque les membres d’une famille habitent et travaillent loin, il est difficile de pouvoir se relayer pour aider son proche. Généralement, l’aide repose sur un seul membre, ce qui alourdit son fardeau car il est accaparé par l’aide qu’il apporte. Sa fatigue et le stress ressentis sont démultipliés. Si vous ajoutez des relations déjà conflictuelles au sein de la famille, l’aidant se retrouve tiraillé entre l’aide qu’il apporte à son proche et les reproches que sa famille peut lui faire. Les décisions deviennent particulièrement compliquées à prendre car nouvelles sources de discorde. Le bien être de l’aidé en est malheureusement souvent affecté.
Un aidant peut se retrouver dans une situation où il doit s’occuper de plusieurs personnes : un enfant et un parent ; ses deux parents ; … La charge est alors multipliée par le nombre de personnes à s’occuper et en fonction du degré de dépendance de chacun.
A contrario, lorsque la personne devenue dépendante est seule, un ami proche ou un voisin peut lui venir en aide. Il s’agit généralement d’une aide occasionnelle et d’un soutien psychologique important. L’ami ou le voisin joue un rôle de surveillance lorsque la famille ne peut pas être présente au domicile. Dans ce contexte, il peut être difficile de trouver sa place, de ne pas être intrusif dans le cercle familial. Il s’agit également de trouver le juste milieu entre assistance et envahissement.
Les modalités d’accompagnement sont différentes selon les familles, le degré de dépendance de l’aidé, son âge, … Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise forme d’aide. Quand les relations d’aide sont gérées en bonne intelligence, elles renforcent les liens familiaux. Lorsque l’aidant est lui-même vieillissant, l’aide peut être plus difficile à apporter. Une intervention extérieure et professionnelle devient alors nécessaire. Et quand l’aidant en vient à s’oublier, qu’il ne prend pas de temps pour lui, ses loisirs ou avoir une vie sociale, les conséquences sur la santé peuvent être graves (voir 2ème article).
Alors comment favoriser des relations aidant – aidé ? Quel « outil » peuvent-ils utiliser ?
Dans mon prochain article, je vous propose d’aborder la communication non violente (CNV) pour venir en aide aux aidants familiaux.
Céline Dauchy