Nous vivons tous en ce moment une situation de crise inédite. Celle-ci révèle de grandes inégalités dans le monde des entreprises, notamment concernant l’impact de la situation personnelle sur le travail occupé.
Le management par la bienveillance, la qualité de vie au travail sont des axes majeurs en développement depuis plusieurs mois/années. Qu’en est-il de la place des aidants familiaux dans la réflexion des entreprises ? Sont-il privilégiés ? Ou au contraire, sont-ils encore trop ignorés ?
Avant d’envisager pouvoir répondre à ces questions, il est intéressant de voir les choses du côté de l’aidant familial. Comment se sent-il dans l’entreprise quand il doit gérer en même temps les besoins de son proche ? Nous avons précédemment évoqué la charge mentale de l’aidant familial.
Quel en est l’impact sur son travail ?
Les salariés aidants représentent 1 actif sur 5. Un chiffre qui a doublé sur les 10 dernières années. L’activité professionnelle reste un point de repère et entre dans la routine de nos vies dans le monde moderne. Elle permet également de garder des relations avec l’extérieur et évite l’isolement lié à l’aidance. C’est aussi une source de revenus, bien souvent indispensable dans la prise en charge à domicile d’une personne dépendante. Pour autant, il n’est pas toujours aisé pour l’aidant familial de concilier travail et aide de son proche.
Le premier impact professionnel que l’on peut constater auprès des aidants familiaux est la baisse de l’efficacité. L’aidant est bien présent à son poste de travail, mais ses préoccupations, tournées vers son proche et non vers son travail, perturbent sa concentration ; ce qui génère des erreurs et/ou un ralentissement dans la réalisation des tâches à accomplir. Ainsi, 72% des aidants familiaux affirment avoir des difficultés de concentration et donc une baisse d’efficacité. Ce qui, par voie de conséquence, a un impact sur les résultats de l’entreprise dans laquelle il travaille.
Une autre contrainte liée à l’organisation du travail est le respect des horaires. En effet, bien souvent le contrat de travail implique le respect d’un planning qui, même s’il est prévu à l’avance, ne favorise pas forcément l’aide à domicile d’un proche, tant les contraintes personnelles sont fortes. Il n’est pas impossible de voir un aidant familial devoir quitter son travail en cours de journée pour assumer une difficulté liée à son proche. 61% souhaiteraient une flexibilité dans leurs horaires de travail pour gérer plus facilement ces obligations/contraintes supplémentaires. En découle également l’absentéisme, qui est le second constat que l’on peut faire au travail. L’aidant familial devant assurer l’accompagnement aux rendez-vous médicaux de son proche par exemple, utilise souvent ses congés et RTT, voire des congés sans solde quand il n’a plus d’autres solutions. Soit en moyenne, 16 jours d’absence par an. Les journées de congés passées à s’occuper de son proche ne permettent pas à l’aidant de prendre le repos dont il a besoin pour se ressourcer ; ce qui accentue la fatigue ressentie. Il lui est également difficile de trouver la disponibilité pour partir en vacances, il ne lui reste parfois plus assez de congés pour cela. De plus, cet absentéisme régulier, parfois imprévisible, peut désorganiser la réalisation du travail et impacter les autres collaborateurs, alors obligés d’absorber une charge de travail supplémentaire. Ce qui est aussi nuisible pour la qualité des relations professionnelles, la QVT et donc l’entreprise elle-même.
Les difficultés liées au travail sont une seconde source de stress pour l’aidant familial, qui cumulée au “fardeau” (voir définition dans le 2ème article) personnel, ne fait qu’aggraver son ressenti d’impuissance, d’inefficacité, de culpabilité, … 75% des aidants déclarent que leur mission d’aide a un impact sur leur vie professionnelle, particulièrement la fatigue et le stress.
L’entreprise a également peu connaissance du statut d’aidant familial de leurs salariés. En effet, ces derniers ont bien souvent peur des conséquences en informant leur employeur de leur statut particulier : refus de modification des horaires, discrimination, harcèlement, arrêt des promotions, … De ce fait, ils préfèrent ne pas en parler et assumer seuls cette charge. Ce qui accentue le sentiment de solitude dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises. D’autre part, leurs droits sont peu mis en valeur : droit au répit, congés des aidants, dons de congés, … Moins de 50% en ont déjà entendu parler. Trop peu pour que les aidants familiaux se sentent en confiance.
L’aidant familial coincé entre son devoir d’aide (voir 2ème article) et son travail, se retrouve dans une situation où il peut tenter de renégocier la durée de son contrat de travail (accès au temps partiel). Ce qui, malgré tout, impacte les revenus financiers de son ménage. Quand cette négociation n’est pas envisageable dans la politique de l’entreprise, l’aidant familial n’a parfois pas d’autre solution que de renoncer à son travail et démissionne ; avec toutes les conséquences qui en découlent : perte financière importante, stress, isolement, …
Il est donc dans l’intérêt des entreprises de s’intéresser à la situation personnelle de ses employés. Non pas pour favoriser une situation plutôt qu’une autre, mais en s’adaptant, l’entreprise qui fait preuve d’agilité, renforce la qualité de son management et la connaissance de ses collaborateurs (difficulté liée à l’aide familiale) ; pour finalement, impacter de manière favorable sa performance…
Dans mon prochain article, je vous propose d’aborder les relations aidant – aidé.
Céline Dauchy
Sources : Malakoff Humanis, CARAC, Norvatis,