Dans mon premier article, nous avons vu qui sont les aidants familiaux et en quoi consiste leurs multiples rôles auprès de leurs proches. Je vous propose ici d’aborder ce qui nous pousse à assumer cette mission et les conséquences qu’elle peut avoir sur la vie quotidienne, notamment la charge mentale.
La “charge mentale” est un terme relativement récent, qui par définition représente la charge cognitive liée à l’organisation de toutes les activités domestiques (Voir définition article précédent). Elle incombe le plus souvent aux femmes. Cette charge est invisible au regard des autres, ce qui la rend aussi subjective. Chacun réagissant différemment face au stress, la charge mentale supportable sera différente selon les personnes. Ce que l’un pourra supporter, ne sera pas supportable pour une autre personne.
Il est assez aisé d’imaginer que nous n’attendons pas de devenir aidant familial pour commencer à organiser notre vie personnelle et professionnelle? (couple, enfants, petits-enfants, travail …). Nous assumons donc déjà une certaine charge mentale au quotidien. Alors, qu’est-ce qui nous pousse à aider nos proches ?
Pour une grande majorité, la principale source de motivation est le lien affectif avec son proche. C’est ce lien, construit au travers du vécu, qui nous pousse à l’accompagner au quotidien, dans une volonté de respect de son souhait : rester à son domicile le plus longtemps possible. Il représente une valeur (famille) forte dans notre société moderne, liée aux perceptions que nous en avons, c’est à dire liée à nos croyances. Valeur qui rend estimables les aidants familiaux à travers les actions qu’ils mènent auprès de leurs proches.
Pour d’autres, il s’agit d’un devoir à accomplir, d’une responsabilité à assumer (sans tenir compte du lien affectif). Ce devoir, lié à notre conscience morale, est donc accompli, plus par obligation que par volonté.
L’aspect financier ne vient lui, que bien après le lien affectif et le fait d’accomplir son devoir. Il s’agit toutefois d’une autre obligation à laquelle nous répondons et qui impacte sensiblement la charge ressentie. Le maintien à domicile coûte cher à la société. Les aides que les personnes dépendantes ont ne suffisent pas toujours à garantir ce maintien à domicile dans de bonnes conditions. Le placement en établissement n’est pas souhaité ou bien trop coûteux et ne peut être supporté par la famille. La mission de l’aidant familial devient alors une obligation. La charge mentale ressentie est d’autant plus importante que l’obligation de l’aidant familial est forte.
L’aidant familial s’organise en fonction du degré de dépendance de son proche. Nous avons vu précédemment que l’aidance peut être occasionnelle : apporter les courses une fois par semaine à sa voisine âgée, ce qui prend 2 heures en moyenne. Mais elle peut être aussi quotidienne : s’occuper à temps complet de son conjoint malade. Imaginez, aider votre proche dans tous ses déplacements (même à l’intérieur de la maison), devoir l’aider à se laver, s’habiller, manger, prendre un médicament, …. l’aider à vivre, tout simplement.
A ces tâches, s’ajoutent, la charge liée à l’entretien de la maison, l’éducation des enfants, celle liée au travail. Quelle charge, physique et mentale, cela représente pour l’aidant !
D’ailleurs, certains aidants familiaux se retrouvent dans l’obligation de renoncer purement et simplement à leur activité professionnelle, dans le seul but de pouvoir être auprès de leur proche. C’est une décision lourde de conséquences… non sans stress ! Le travail est une source de revenus financiers non négligeable. Ce qui nécessite de bien réfléchir à la question avant de poser sa démission.
Ajoutez-y des relations parfois tendues entre l’aidant et son proche. Et oui, il n’est pas aussi simple que cela n’y parait, que d’accepter sa propre dépendance ; de devoir systématiquement attendre que quelqu’un soit avec vous pour pouvoir faire quelque chose… Vous passez par différentes émotions (courbe du deuil), dont la colère. Cette colère qui se dirige vers l’aidant et qui complique bien souvent la situation.
Un troisième aspect de l’aidance, souvent peu pris en considération est la charge administrative supportée par les proches. En effet, il existe différentes lois destinées à faciliter la vie des personnes dépendantes. Certaines visent aujourd’hui à reconnaître le statut d’aidant familial. Cependant, l’accompagnement des aidants familiaux dans ces démarches est quasi nul. C’est à eux de chercher ce à quoi leurs proches ont droit, et de constituer des dossiers nécessaires aux déblocages des aides. L’aidant se retrouve bien souvent seul sans trop savoir comment s’y prendre. C’est une nouvelle source de stress, voire d’angoisses qui peuvent également nuire à la relation aidant/aidé.
Avec tout cela, il reste bien souvent peu de temps pour les loisirs ou les relations sociales qui sont pourtant essentielles à l’épanouissement de l’être humain et on peut le ressentir particulièrement dans ces temps de confinement. L’aidant familial, ayant tendance à s’oublier lui-même, se retrouve dans une forme d’isolement social, ou toute son énergie est centrée uniquement autour de son proche.
L’aidant familial, épuisé, ressent sa mission comme un poids. On parle alors de la notion de “fardeau”. Peuvent se mêler également différents sentiments liés à la représentation qu’à l’aidant de ses propres capacités à venir en aide à son proche : impuissance, emprisonnement, culpabilité, solitude, doutes, … Il est fréquent de rencontrer des aidants familiaux qui se plaignent de nombreux symptômes : fatigue physique et morale, troubles du sommeil, sautes d’humeur, agressivité, anxiété, stress, … C’est dans ces périodes difficiles émotionnellement que nous pouvons rencontrer certaines addictions : somnifère, anxiolytique, antidépresseur, alcool, tabac voire drogues, … Certains aidants sont même au bord du burn out…
Au travers de ce constat, il apparaît essentiel d’accompagner les aidants familiaux dans l’accomplissement de leur mission. Si l’aidant n’est plus en mesure d’assumer son rôle, qu’advient-il de son proche dépendant ?
Dans mon prochain article, je vous propose d’aborder les conséquences professionnelles pour l’aidant familial et l’impact pour les entreprises.
Céline Dauchy
Sources : Malakoff Humanis, CARAC, Norvatis,